Retour du pendule.
Il y a 4 ans ma vie s’effondrait. Mon corps me lâchait. Mon coeur me déjouait. Ma tête tentait de garder le cap. Il y a 4 ans la vie m’a fait tout arrêter. Tout repenser. Tout réorienter. Il y a 4 ans, la vie m’a juste obligée. À me reconstruire. À me rebâtir. À partir de ce que je voulais. De ce que je devenais. De ce que pouvais. En m’offrant un diagnostique de trouble d’adaptation.
Il y a 4 ans. La vie m’a démontrée que je ne savais plus rêver. Que je m’étais laissée formater. Par l’existence. Par les exigences. Les remontrances. Les insistances. Il y a 4 ans mon élan s’est durement arrêté. Et parfois, c’est la seule chose qui doit arriver. Même si je m’en vois encore désolée. Ça fait partie de ce qui doit être guéri.
Le sable.
L’histoire n’a rien d’exceptionnelle. Tout roulait. Métro. Boulot. Dodo. En fait, si on peut dire. Ajouter à ça, les aléas de la vie entrepreneuriale. De la vie familiale. L’école à la maison. Tout roulait plutôt sur le pilote automatique. Parce qu’en fait, j’avais la tête dans le sable. Profondément enfouie. Pour éviter de voir l’ennui. Celui qui vient avec le fait que l’on s’est étourdie. Que l’on n’a plus l’énergie. Pour se reprendre. Se comprendre.
Puis le sable est rentré dans l’engrenage. Lentement. Sournoisement. Mais sérieusement. Une infiltration en profondeur. Par ma faute. Par mon refus d’en saisir l’ampleur. Par ma crainte de voir tout s’écrouler. Tout s’arrêter. Par ma paresse de devoir tout remanier. Mais à bon entendeur, je nous aurais sûrement épargnés. Ça aussi, ça fait partie des choses qui doivent être guéries.
La brèche.
Est alors venu le moment. Celui où j’ai plongé dans le néant. Celui où mon corps est devenu lent. Jusqu’à arrêter. Jusqu’à bloquer toute mobilité. Ce moment où seule ma tête pouvait fonctionner. Et encore là. Tous mes efforts servaient à me résonner. Pour ne pas sombrer. Dans la peur. Qui en vient à nous rythmer même les battements du coeur. Qui en vient en nous transformer dans ce qui était acquis. Dans ce par quoi on s’était toujours défini.
Est alors venu le moment. Où le trouble d’adaptation met la vie en suspens. Celui-là même qui nous permettra de reprendre la bonne direction. Mais ça, à ce moment-là, on ne le sait pas. On ne le sent pas. On n’y croît pas. Ce moment où se côtoie vide et impossible. Ce moment où l’on plane nul part et partout à la fois. Sans prise. Sans emprise. Ce moment où l’on n’a d’autres choix que se laisser porter.
Et après.
Et après. Une fois que tout ça prend forme. Une fois qu’on met le doigt sur le bobo. Une fois que l’on sait ce qui se passe. Ce qui ne va pas. Une fois que l’on comprend que notre corps ne suivait pas. Au fond. Une fois que l’on sait que l’on a un trouble d’adaptation. Qu’est-ce qui se passe? Comment tout recommencer? En étant aussi fatiguée. Comment tout recommencer? Alors qu’on a même pas eu la force de continuer.
Comment trouver l’énergie d’affronter les bien pensants? Car vous allez en rencontrer! Des gens qui savent mieux que vous. Qui pensent plus que vous. Qui veulent plus que vous…et ça c’est pas difficile à battre quand on est déjà affaibli par le combat!
Et après, vous devrez vous ré-imaginer. Comme vous pouvez. Vous devrez vous repenser. Vous analyser. De l’intérieur vers l’extérieur. Vous devrez affronter vos peurs. Vous donner droit à l’erreur. Vous devrez faire confiance au temps. Vous devrez oser et recommencer. Souvent.
La guérison.
On m’avait avertie. Que la guérison serait longue. Qu’elle serait confrontante. Qu’elle serait déroutante. Et c’était vrai. Parce qu’il n’y a pas de route tracée. Parce que votre porte de sortie est unique. Parce que vous devrez affronter les idées préconçues. Parce qu’il n’y a pas de raccourcis. Et vous partez de loin, je vous le garantis.
J’ai choisi de traverser tout ça à ma façon. J’ai choisi de naviguer dans mes émotions. Dans mes contradictions. Dans mes interrogations. Et tout ça, avec mes enfants. J’ai choisi de renaître avec eux à mes côtés. Parce qu’ils étaient le noyau de la vie que j’avais cessée de rêver. Je voulais les laisser m’inspirer. Me porter. Mais aussi me ralentir…ça c’est une des clés de ce que j’avais à guérir.
On m’a sommé de les faire garder. D’arrêter d’allaiter. Alors que c’était tout ce qu’il me restait d’assises. Je ne dis pas que toute guérison passe par là. Mais pour moi, c’était le cas. Mes enfants sont mon moteur. Et ils sont mes modérateurs. Encore aujourd’hui. Eh oui!
L’avenir.
Nous y voici. Aujourd’hui. Le temps de convalescence est fini. Officiellement. Mais dernièrement, j’ai réalisé que, concrètement, il en est tout autrement. J’ai réalisé que cet épisode m’a fragilisée. Dernièrement, j’ai réalisé que je ne pourrai plus jamais vivre en me mettant de côté.
Même si j’ai guéri. En grande partie. Même si la vie a repris son cours. Même si le quotidien a repris sa place dans notre parcours. Même si. Mes limites sont rigidement définies. Ma routine est intimement liée à mon équilibre de vie. Et quand j’y déroge, l’alarme sonne. Fort.
Nous sommes maintenant dans l’avenir. Celui-là même que je n’arrivais pas à me définir. Quelques années plus tôt. Nous sommes dans cet avenir où je poursuis mon chemin de vie. Écorchée. Mais tellement plus consciente. Tellement plus présente.
Les acquis.
Nous sommes dans cet avenir où les acquis sont palpables. Où je suis à même de constater par où je suis passée. Ce que j’y ai laissé. Parce que dans tout combat, il y a des moments où l’on doit baisser les bras. Mais je suis surtout à même de constater ce que j’y ai gagné.
Nous sommes dans cet avenir où j’ai appris à relativiser. Et à prioriser. Où j’ai appris à me respecter. Même si ça demeure difficile. Nous sommes dans cet avenir où je n’ai pas peur de m’avouer vaincue. Où je me permets de dire que j’ai fait une erreur. Où j’assume de voir des gens déçus.
Nous sommes dans cet avenir où je demeure fragile de l’extérieur. Mais où je me suis solidifiée de l’intérieur. À bon entendeur, j’ai acquis l’humilité de me retirer. Quand je vois que je commence à m’effriter.