Définir la déscolarisation
Avant de jaser de déscolarisation, entendons-nous sur les bases de la définition. J’imagine que l’interprétation peut différer. Après tout, notre force tient de notre diversité! Mais, pour les besoins de l’exercice, déterminons tout de même certaines balises.
La déscolarisation, c’est la période d’ajustement. Vécue par un enfant qui transitionne d’une scolarité en établissement scolaire à une éducation en famille. Et même par un enfant qui a vécu une expérience éducative traditionnelle à la maison. La déscolarisation est un passage. Non obligé mais pertinent. Une traversée qui s’effectue, idéalement entre parents et enfants. En fait, je ne connais personne qui n’a pas besoin, un jour ou l’autre, de se faire rappeler que nous avons le droit de sortir du cadre dans lequel on essaie de nous faire rentrer. Encore aujourd’hui.
J’ajouterais que je considère également la déscolarisation comme un processus de déconstruction. Comme la désarticulation d’un vécu, bien souvent attribuable à nos actions portés en tant que parents. La plupart du temps bien intentionnés et bienveillants. Des actions posées à partir de ce qui pour nous est le seul terrain connu. Tant et aussi longtemps que le processus de restructuration de notre vision et de nos façons de faire n’est pas enclenché.
Patience!
La déscolarisation n’est pas simple. Et encore moins instantanée. C’est un processus, ce qui veut dire qu’entre le moment où on s’y attaque et le moment où on commence à voir l’arrivée, il a le temps d’arriver pas mal d’affaires. C’est une quête vers un état d’esprit qui s’acquiert à coup d’avancées et de retours en arrière. Le chemin est tout sauf linéaire. Et évidemment, il n’y a pas de recettes magiques. Il faut s’armer de patience et d’écoute. Apprendre à entendre l’inaudible. Et à voir l’invisible. C’est un moment tout désigné pour reconnecter avec soi ou son enfant. Soi ET son enfant. Un moment tout désigné pour accepter ce qui a été et prendre ses responsabilités pour ce qui s’en vient.
On applique généralement [mécaniquement] le ratio du 1 mois / 1 an: un mois de déscolarisation pour chaque année faite en école. Faites le calcul…si vous avez un DES, c’est une bonne année de travail personnel qui vous attend. Minimum. Et il ne faut pas oublié que c’est une balise. Qu’on ira pas loin sans faire l’effort de l’adapter à notre réalité. Nos contextes familiaux, éducatifs et sociaux peuvent venir supporter ou déjouer notre volonté. Il n’y a pas de bons ou de mauvais contextes. Pas de bons ou de mauvais moments. Il y a votre contexte et le moment que vous avez choisi. À partir de là tout est possible. Tant que vous n’oubliez pas de vous mettre en priorité là-dedans. Pour le reste, vous n’avez rien à prouver!!!
À quoi s’attendre en période de déscolarisation?
De la résistance
De la résistance face à tout et n’importe quoi. Un changement d’horaire ou de méthodes de travail. De la résistance face à l’acclimation au nouvel environnement. Une réticence naturelle à être accompagné par un parent. Qui soudainement porte un nouveau rôle ou propose une nouvelle façon de faire. Surtout si les relations précédentes en lien avec le parcours éducatif ont été compliquées. De la résistance qui découle d’une perte de repères. Et de toutes les réalités qui se confondent, bien souvent, au commencement.
En tant que parent, on observe souvent de la résistance face à la nouveauté. Même si elle nous fait envie. Même si une attraction naturelle se fait sentir. Le confort agit en maître et ne veux pas nous voir explorer. Accepter de se sentir désorienté par les doutes. Les observer. Les écouter. Se rappeler qu’ils sont normaux. Mais surtout, croire sincèrement qu’il s’estomperont. Au fur et à mesure que la confiance reprendra ses droits.
De la dépendance
Des solitudes qui ne trouvent pas de point de rencontre. Comme un fossé creusé par le manque de repères communs. D’un côté, l’enfant habitué d’être dirigé. De l’autre, un parent qui porte en lui des attentes en lien avec l’autonomie. Un déséquilibre entre ce qu’on s’était imaginé et la réalité qui se dessine. Le temps de se défaire du sentiment de fausse sécurité apporté par les horaires imposés, les façons de faire mécaniques et les curriculums pré-construits. Le temps de décoder ce sentiment de fausse sécurité. Parce qu’au final, c’était nullement adapté à ce que nous étions. Ni optimisé pour permettre l’épanouissement de l’apprenant et de l’accompagnant.
Des contradictions
Et puis, il faudra reconnaître que la quantité n’est pas garante de la qualité. Et encore moins de l’assurance de réussite. Ou de sécurité. On aura beau planifier ensemble. Lire, chercher, écouter ensemble. Tout faire et vivre ensemble. Prendre le temps de choisir des curriculums, des activités. Le constat auquel on finit presque toutes par arriver est que rien n’est jamais acquis. Rien n’est garanti. La possibilité de se heurter à un enfant réticent à quelque chose qu’il a lui même choisi est là. Le risque de voir la motivation s’essouffler est là. C’est tout simplement parce que les apprentissages sont rythmés avec la vie. Parce qu’ils se nourrissent d’inspirations et d’expirations. C’est ce qui garde le cheminement vivant. Mouvant. Puissant. Pour autant qu’on demeure ouverte à accueillir. Et à laisser aller. C’est vrai en tout temps. Même en dehors du contexte éducatif. Même hors processus de déscolarisation. C’est normal et vital.
Entreprendre une aventure d’école-maison est un processus sans fin de découverte de soi. Pour tout le monde.
De l’anxiété et de l’insécurité
Être stigmatisé. Rejeté. Absorbé par une famille. Oublié par ses amis et ses pairs. Comparé à ses frères et coeurs. Avoir peur de l’inconnu. S’ennuyer dans la routine…tout est possible. Tout est valide. Si c’est là. Si on le sent. On le prend.
Ne plus pouvoir se comparer pour se situer. Devenir son principal référent. C’est génial, mais ça peut être déstabilisant. Pour les enfants comme pour les grands! Sur ce sujet, nous sommes, parents, bien souvent à surveiller.
Bien que l’école soit une source non négligeable d’événements pouvant entraîner du stress et de l’anxiété, la transition est, en elle-même un événement à surveiller. Encore là, l’importance de prendre son temps, de laisser les sentiments s’exprimer avant de se lancer corps et âme dans la grammaire, les mathématiques ou tout projet éducatif dont on a pu rêver.
24/24
Se retrouver en famille 24 heures sur 24, 7 jours par semaine comporte son lot de défis. Évidemment, il y aura des activités propres à chacun mais, pour imager la situation, nous pouvons dire qu’à tout le moins, le temps passé en famille grandit en proportion.
On a beau être une famille pleine d’amour et s’apprécier, il faut se donner les temps de se redécouvrir dans des contextes qui nous sont nouveaux. Se donner le droit à l’essai et, peut-être à l’erreur. Se faire un devoir de s’excuser et de s’exprimer. Trouver nos propres mécanismes pour développer des liens forts et se supporter dans l’aventure. Faire en sorte de reconstruire. Sans attendre d’être arrivés à destination. Parce que la route peut être longue. Et surprenante. Parce que la route est la plus importante.
Les principaux éléments à déconstruire.
Chaque famille a sa réalité, ses besoins, ses défis. Chaque humain qui la compose aussi. Mais quelques éléments ressortent plus que d’autres. En voici quelques-uns:
5 jours /semaine, de 8h00 à 15h30
C’est une formule accommodante en société. Un cadre qui permet à la [majorité de la] population de régler les heures de classe en fonction des heures ouvrables de travail des parents. Mais dans un contexte d’école-maison, c’est complètement inutile.Ou plutôt facultatif. Donnez-vous le droit d’examiner les moments où vous êtes le plus patients, ceux où vos enfants sont les plus réceptifs. Si un parents a un horaire atypique, profitez de l’occasion pour combler les plages horaire libres plutôt que de tenter de tout coincer en même temps. Trouvez votre rythme quotidien mais aussi vos rythmes mensuels, saisonniers, annuels. Jouer avec le temps et appropriez-vous le! Le rythme et les besoin doivent dicter l’horaire. Pas le contraire! Et qui sait, après le « deschooling » peut-être passerez-vous à l’unscheduling?
La réalité d’apprentissage en famille est aussi une réalité de proximité et d’accompagnement personnalisé. Vous connaissez votre enfant comme personne et, en plus, vous y êtes plus consacré. Ne serait-ce que par l’amour que vous lui portez. Tout a le potentiel d’aller plus vite, plus loin. D’ Il est fort possible que le travail d’une journée d’école ne prenne que quelques minutes ou quelques heures en famille. Célébrez votre nouvelle liberté!
Le programme
Ose délaisser le programme. Ne serait-ce qu’un temps, question d’avoir de la matière à comparer. Aie confiance en toi, en ton enfant, en la vie et toutes les possibilités qu’elle vous offre. Trouve un équilibre (propre à chacun,à toi de trouver) entre la paix d’esprit et une expérience enrichissante. Il faut faire des essais pour connaître ce qui nous permet d’avancer et ce qui nous alourdit. Oser se découvrir. Il faut persévérer pour voir les avancées. Tout ça demande d’être un tant soit peu effronté au départ pour rejeter du revers de la main le système qui nous a, bien souvent, formé académiquement en tant que parent. Mais l’effort en vaut la chandelle, croyez-moi!
La salle de classe
On a appris assis à un pupitre, entouré d’enfants assis à leur pupitre. En silence, dans un lieu neutre. En groupe avec d’autres jeunes du même groupe d’âge. Avec des murs ornés d’affiches éducatives. On peut reproduire ça à la maison, en partie. Ou pas. C’est au choix. Mais avoir la volonté de reproduire en totalité une réalité qu’on a choisi de quitter serait surprenante. La réalité des apprentissages en famille emmène son lot de défis qui, s’ils sont valorisés peuvent devenir une expérience formatrice. De la difficulté de combiner du multi-âge peut naître une réutilisation des savoirs quand les plus vieux accompagnent les plus jeunes. De la difficulté d’associer la maison avec un contexte scolaire peut découler une capacité à apprendre en contextes variés. Envahissez chaque coins et recoins de votre maison afin de faire des apprentissages un mode de vie qui ne quittera jamais vos enfants.
L’expertise
Concevoir que l’on peut, comme parent et comme humain, accompagner nos enfants dans leurs apprentissages exige, bien souvent, que l’on reconnaisse les possibilités de nos enfants. Ça commence par là. C’est un incontournable. Il faut prendre confiance en nos capacités personnelles. Oser aller chercher des ressources quand on en ressent le besoin et demeurer à l’écoute des besoins exprimés par nos enfants. Avoir le courage de passer par-dessus la soit-disant progression qu’on nous a imposée pour accepter les chemins inconnus et les détours que nos enfants souhaiteront emprunter. Il faut voir plus loin. Plus large. Plus grand. Désamorcer le compte à rebours qu’on nous a implanter. Il faut se retrouver. Individuellement et familialement.
Il faut comprendre, qu’en contexte familial, où l’écoute est généralement plus facile [c’est encore drôle, hein!], le rôle d’un parent-éducateur n’est pas de gaver un enfant de savoirs, de connaissances et de compétences. Le rôle de parent est plutôt de nourrir sa curiosité, son autonomie et sa confiance en ses capacités. Et c’est le rôle le plus important. Celui que personne d’autres ne jouera auprès de votre enfant. Il y aura des mentors mais votre statut est unique. Un enseignant est formé pour diriger un groupe dans une progression académique standardisée qui assure un contrôle de la qualité. Tu n’as pas l’enseignant de votre enfant. Ni à contrôler sa qualité. Tu la connais. Tu es son parent!
Dans la prochaine partie de cet article sur la déscolarisation, je te donnerai des trucs pour t’accompagner dans le processus.