Il était une fois.
Il était une fois une maman. Et une famille. Trois beaux enfants. Bientôt quatre. Il était une fois un ventre qui grossissait. Un utérus en mode construction d’un nouveau bébé.
Il était une fois une petite fille. Curieuse de ce qui se tramait. De ce qui se transformait. Devant elle mais sans qu’elle ne puisse rien voir. Il était une fois une famille ordinaire. Qui se préparait à l’extraordinaire.
Bedon de laine, bedon rond.
Et plus j’arrondissais, plus ça devenait évident. Difficile à manquer, impossible de reculer. Le projet se concrétisait. Tranquillement. On se préparait. Et on préparait les enfants. On voulait une épopée familiale. Un happy ending à notre image. À l’image de ce vers quoi nos rêves soutendent. Une grande finale. Une grandiose symphonie. Ça aura été autre chose. C’est la vie!
Préparer l’arrivée du nouveau bébé.
Bref. On jasait. Les enfants posaient des questions. On tentait de les laisser diriger les conversations pour répondre à leurs interrogations. Pour apaiser leurs inquiétudes. Pour qu’ils se sentent impliqués. Parce qu’on les voulait ainsi: impliqués. On les invitait à suivre le parcours. On leur faisait des comptes-rendus. On y allait au gré de leurs envies, dans le plus grand respect de leurs limites. On les incitait à créer le contact avec le futur membre de la famille. Doucement. En lui parlant, en le touchant, en lui tendant l’oreille. On entrevoyait un germe de lien. On se délectait de cette naissance qui s’effectuait sous nos yeux. Celle de la fratrie qui nous faisait rêver. On était aux anges.
Bébé de famille.
Puis il y avait Aster. La petite dernière sur qui on portait une attention particulière. Parce que fragile comme le verre. Facteur amplifié ou causé par un sevrage forcé, imposé. Mais nécessaire. Ça aussi ça fait partie de la vie. J’avais agi pour mon équilibre. De femme et de mère. Mais aussi pour le sien. À cause de ce qu’elle est aussi. Tout simplement. On l’entraînait dans l’aventure. Prudemment. Conscients des défis que la situation lui imposait. En lui permettant de rester à l’écart au besoin. Et en l’accueillant avec une joie immense. Le reste du temps.
Puis.
Le temps est venu. Pas comme on avait prévu mais il était là. Malgré la visualisation. Malgré les préparatifs. Et tout le cœur qu’on y avait mis. Ainsi va la vie. L’expérience en famille n’a pas eu lieu. Malgré notre bonne volonté. C’est douloureux. Mais ce fût pour le mieux. C’est ce que la tête finit par comprendre. Pendant que le corps guérit et que le cœur se donne du temps pour digérer. Et éventuellement cicatriser.
5H48.
Il était 5H48 quand bébé est arrivé dans mes bras. Quand enfin nos yeux se sont croisés. Dans un fragile équilibre de douceur et de froideur. Dans une atmosphère à l’image des émotions qui nous envahissaient. Nous submergeaient. On aurait voulu que ça se passe en équipe. Que les présentations soient futiles. Superflues. Mais il fallait faire avec ce que la vie nous offrait.
Se sauver.
Quitter. C’est tout ce qu’on voulait. Quitter pour rentrer. Pour se retrouver à l’endroit où nous nous devions d’être. Entourés de ceux qui nous sont le plus chers.
Nous n’avions qu’une chose en tête: retrouver la famille. Pour que l’équipe soit complète. Pour s’unir et se réunir dans l’intensité du moment. Après des jours d’incertitude et de déception. Pour reprendre pied en s’appuyant les uns sur les autres.
Toc. Toc.
6H. Il aura fallu attendre 6H. Une éternité dans les circonstances. Puis on l’a eu le fameux OK. Timide. Forcé. Hésitant. Mais on l’a eu! On a emmitouflé bébé et on a pris la route. Puis on est arrivés. Soulagés. Essoufflés. Fatigués. Fébriles. Mais heureux.
Au travers de tout ça, on était surtout heureux. On a pris soin de cogner à la porte comme se doit de faire tout invité. Parce que la beauté de toute cette histoire est qu’on avait finalement quelqu’un à présenter.
Rencontre.
La porte s’est ouverte et on est entrés. On a déposé la coquille au sol pour faciliter le contact. Hélios s’est approché. A salué bébé. Mais pas d’Aster…
Ma petite qui m’avait tant manqué ne venait pas vers moi. Ni vers le bébé qu’elle chérissait quelques jours auparavant. À travers moi. Puis je l’ai aperçue. Foncer comme une fusée pour aller se cacher.
24 heures.
Et ce fût ainsi durant 24 heures. 24 longues heures où elle s’est retirée. Où elle refusait mon contact et la proximité avec bébé. Elle ne voulait pas de la nouvelle réalité qu’elle se faisait imposer. 24 heures d’impuissance à ne pas pouvoir la réconforter. Car après tout j »étais à l’origine de ce qui la troublait. De ce bébé qui venait tout chambouler.
Une longue journée. Où j’ai oscillé entre ma reconnaissance envers la vie. Pour cet autre miracle de la maternité. Et l’impuissance. Devant ma petite en désarroi face à un si grand changement.
Abracadabra!
Puis tout s’est placé. Comme par magie. En toute simplicité. Il aura fallu une sortie. Puis une entrée en scène différente. Où ELLE prenait la vedette. Où ELLE était a l’honneur.
Un changement de mise en scène où elle revêtait un nouveau rôle. Il aura fallu qu’elle soit celle qui s’intègre à l’environnement de son nouveau petit frère. Et non le contraire. On aurait pû y penser avant, vaut mieux tard que jamais. La suite s’est déroulée plus rondement. On a recommencé à respirer. Graduellement. Et à espérer que nos rêves de famille allaient se réaliser.
Retour du balancier.
Les jours se sont suivis et les choses se sont placées. Avec le recul nous sommes satisfaits de ce qui a été fait. De comment nous l’avons fait. Nous somme fiers d’avoir fait confiance à la vie. Mais surtout à nos enfants. De leur avoir fait cadeau du temps qu’ils nécessitaient. D’avoir pris la voie de la patience et surtout de la confiance, de la résilience.
Il nous reste encore beaucoup à apprendre. Surtout au niveau de l’équilibre dans son ensemble. De l’équilibre des individus par rapport à celui, fragile, de la cellule que nous formons. C’est un défi de taille qui n’a comme égal que le bonheur d’avoir enfin cette famille dont j’ai tant rêvé.
Je peux maintenant constater qu’on y parvient. En se ressourçant à travers les enfants. À travers les victoires. En les voyant s’aimer et s’entraider. Et se chamailler de temps en temps. C’est inévitable!